(Étape comptant double)
La troisième étape de la course, entre Le Cap et Itajaí au Brésil, emmène la flotte vers une gigantesque traversée de l’océan Austral, longue de 12 750 milles nautiques (14 672 milles/23 613 kilomètres), soit les trois quarts du tour du Grand Sud. L’océan Austral - également connu sous le nom d'océan Antarctique, océan Polaire Sud, Grand Sud - est le plus sauvage et le plus reculé de tous. Il commence à la latitude 60° sud et encercle l’Antarctique.
Conquérir ces eaux mythiques est depuis longtemps une marque d'honneur pour les meilleurs marins du monde. Sur la route du Cap à Itajaí, les équipages vont passer au sud des trois grands caps : Le Cap de Bonne Espérance ; le Cap Leeuwin - point le plus au sud-ouest de l'Australie ; et le célèbre Cap Horn, au sud du Chili. Il est impossible de surestimer l'importance de cette étape - la plus longue de l'histoire de la course - et le défi qu'elle représente pour les marins. Elle devrait durer 34 jours, ce qui représente de loin le plus long temps passé dans les eaux glacées et déchaînées de l'océan Austral, depuis la création de la course en 1973.
Pour cela, l'étape compte double en termes de points - la première moitié des points étant attribuée au passage de la longitude 143° est (proche de la pointe ouest de la Tasmanie) et la seconde lors de l'arrivée à Itajaí. Après avoir négocié la sortie du Cap, la flotte fera route vers le sud, puis franchira le Cap de Bonne Espérance, où elle passera probablement une première nuit agitée à cause des vagues tumultueuses typiques de la région. Plus les équipes plongent vers le sud, plus la route sera courte, et plus la température de l’eau sera faible, variant de -2 à 10°.
Lors des premières éditions de la course, les équipages s'approchaient le plus possible de l'Antarctique afin de réduire la distance de leur itinéraire. Cette stratégie impliquait de naviguer à travers la banquise - une expérience terrifiante pour les marins.
De nos jours, parce que les bateaux modernes sont trois fois plus rapides et qu'une collision avec le moindre morceau de glace pourrait être catastrophique, une zone d'exclusion virtuelle est imposée par la direction de course, ce qui oblige les concurrents à rester au nord de cette zone de glace. Les zones allant de 40° sud au cercle antarctique sont connues sous le nom de "quarantièmes rugissants" et "cinquantièmes hurlants". C’est là que se trouvent les moyennes de vitesses de vents les plus soutenues sur terre. Les vents générés par les dépressions qui traversent la région d’ouest en est peuvent atteindre jusqu'à 70 nœuds.
Les équipes auront pour objectif de se positionner devant l’un de ces fronts rapides, qui pourra les propulser vers l'est en direction du Cap Horn, le point de sortie de l’océan Austral.
Lorsqu’on arrive à se positionner ainsi, le but est de chevaucher ce front aussi longtemps que possible. Cela signifie que jour après jour, semaine après semaine, il faut composer avec des vents violents et d’énormes trains de houles. Plus la température est froide, plus l'air devient dense, et plus les vents peuvent être forts et puissants. Ce n'est pas une variable facile à quantifier, mais c'est l'une des raisons pour lesquelles les voiliers outrepassent leurs performances supposées dans cette partie du monde.
C'est une navigation à grande vitesse et à haute adrénaline qui ne peut être expérimentée nulle part ailleurs. C'est ce que beaucoup de marins ont envie de vivre, mais c’est tellement demandant pour les équipages, aussi bien mentalement que physiquement. Personne ne sort de l'océan Austral sans être changé d’une manière ou d’une autre. Pour montrer à quel point cette région de la planète est isolée, la flotte passera près du ‘Point Nemo’ - dont les coordonnées sont : 48°52.6′S 123°23.6′W - et qui se trouve à 1 670 milles nautiques (soit 2 688 kilomètres) de la terre la plus proche.
C’est l'endroit le plus éloigné de toute terre sur la planète. Tellement éloigné que les êtres humains les plus proches des marins sont les astronautes de la station spatiale internationale, qui gravitent en orbite à 400 km au-dessus d’eux. Deux Centres Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage (CROSS) couvrent cette zone.
Le centre néo-zélandais est responsable des eaux situées à l'ouest de la longitude 131°, tandis que les eaux situées à l'est de cette ligne sont surveillées par un centre situé au Chili.
Les personnes présentent au siège de The Ocean Race, à Alicante, suivent les bateaux 24 heures sur 24 et sont en contact permanent avec les deux CROSS.
Bien qu'il ne représente que 30 % des océans de la planète, l'océan Austral joue un rôle essentiel dans le système climatique délicatement équilibré de notre planète. Les eaux de la région absorbent entre 60 et 90 % de la chaleur transférée aux mers au cours des 15 dernières années, et environ 40 % du dioxyde de carbone produit par l'homme. Fait inquiétant, l'océan Austral se réchauffe plus rapidement que tous les autres océans et sa capacité à capter le CO2 devrait se réduire progressivement au fil du temps. Cela signifie qu'il y aura plus de CO2 dans l'atmosphère et que le changement climatique s'accélérera.
Ce réchauffement, ainsi que les effets de l'acidification, de la pêche et de la pollution par les microplastiques, ont entraîné un déclin des populations de krill dans la région. Le krill est une espèce clé et la nourriture principale de la majorité des prédateurs marins tels que les pingouins, les phoques, les baleines et les poissons, dont le nombre devrait également diminuer. Les conditions climatiques difficiles et l'éloignement extrême de la région font que peu de navires de recherche scientifique s'y rendent, ce qui explique que l'océan Austral soit encore très mal connu.
L'Ocean Race contribue à résoudre ce problème en fournissant aux organismes de recherche océanographique des données précieuses sur l'état des eaux de l'océan Austral. Ces données précieuses - notamment les niveaux d'oxygène, les températures de l'eau et les niveaux de pollution microplastique - sont recueillies par les équipages au cours de leur course dans les profondeurs du Sud. On espère que ces données permettront de mieux comprendre l'océan Austral et permettront aux scientifiques de faire des prévisions et des projections plus précises sur la région et son rôle dans l'océan mondial et le climat de la planète, ce qui permettra aux gouvernements et à d'autres organisations clés de prendre de meilleures décisions politiques sur la façon de protéger et de restaurer nos océans. La course dans l'océan Austral est un exercice d'équilibre entre votre performance par rapport aux autres équipes et votre survie. Si vous naviguez trop prudemment, la flotte vous laissera derrière, mais si vous poussez trop loin, vous risquez de casser votre équipement, voire pire. Des vies ont été perdues dans l'océan Austral lors des éditions précédentes de la course.
Pour sortir de l'océan Austral, les équipes devront finalement se diriger vers le nord pour passer le cap Horn, la terre la plus méridionale de la planète. Il s'agit d'une région du monde légendaire en termes de navigation et tristement célèbre à travers les âges pour ses naufrages et ses chutes. Le passage du Cap Horn est un moment déterminant dans la vie d'un coureur océanique et une expérience que les marins n'oublient jamais. Les équipes chanceuses qui franchissent le cap Horn de jour et par beau temps peuvent apercevoir un petit îlot rocheux peu engageant. Ceux qui le franchiront de nuit devront se contenter d'apercevoir le phare de l'île d'Homos ou, par mauvais temps, ne pas voir du tout l'emblème le plus célèbre de la course au large. Le passage du Horn sera une étape majeure de l'étape 3, mais il reste encore de nombreux défis à relever pour les équipages avant de franchir la ligne d'arrivée à Itajaí.
Après avoir franchi le Cap Horn, la flotte se dirige d'abord vers le nord, le long de la côte argentine, où les conditions météorologiques à dominante de grains ont entraîné des pannes d'équipement et même des démâtages.
En fonction des prévisions météorologiques, les équipes doivent choisir de quel côté passer les îles Malouines, avant de longer les côtes de l'Uruguay et du Brésil jusqu'à la ligne d'arrivée au large de l'embouchure du fleuve Itajaí-Açu, qui mène à la ville d'Itajaí.